•  UN AN MAIRE D'EURE

    Editions 7 écrit. Novembre 2013

    Bernard Chalet, conseiller municipal de la ville d’Eure, est scandalisé par la gestion malhonnête du maire et de l’équipe qui le soutien. Avec  trois bons amis, ils envisagent la constitution d’une liste pour les  élections de mars 2007. Ce projet un peu utopique au départ reçoit bientôt le soutien de la population, lassée de la montée des impôts locaux et des malversations qui finissent par se savoir.

    Bernard  est un instituteur idéaliste et il enseigne avec succès les vertus citoyennes à ses élèves.  Il imagine qu’il doit être possible de gérer une commune tout en restant  honnête, et finit par se lancer.

     Mais le maire Robert Debarre n’est pas homme à laisser prendre sa place sans réagir avec violence et Bernard finira par subir sa fureur dévastatrice.

     


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  • Chapitre quatre

    Samedi 22 septembre

     

    — Ne vous inquiétez pas, madame Gauffard, vos petits ennuis vont progressivement s’atténuer si vous suivez scrupuleusement mon ordonnance.

    — Ah ! docteur… qu’est-ce que je deviendrai sans vous ? Ça fait des années que vous me suivez, et je n’ai eu qu’à me louer de vos services. Mais je suis guère vaillante et toujours patraque. Et avec l’âge, ça s’arrange pas… vous savez que je vais sur mes quatre-vingt cinq. Enfin, y’a plus malheureux. Voyez-vous, madame Pichet, ma concierge… une brave femme comme on en fait plus, toujours à briquer les escaliers ou balayer le trottoir, toujours prête à rendre service… Eh bien, son arthrose lui fait des misères et le syndic voudrait la voir décamper pour récupérer sa loge. Elle va être à la retraite d’office l’année prochaine et probablement expulsée. Elle vient de faire une demande pour avoir une place dans la résidence municipale de la Hêtraie. Mais y sont tous pourris à la mairie et sans piston, elle a pas beaucoup de chance…

    Le docteur qui écoutait d’une oreille distraite l’interminable monologue qui concluait depuis longtemps les consultations tressaillit à la dernière phrase. Comme la vieille reprenait son souffle pour la seconde déferlante de ses confessions, il se glissa dans la faille.

    — Qu’est-ce qui vous fait dire ça, madame Gauffard ?

    — Mais il suffit d’ouvrir l’œil ! Allez dons y faire un tour. Si vous avez besoin de quelque chose, vous serez vite servi. Pour en revenir à la résidence, il suffit de voir liste des pensionnaires : tous apparentés de près ou de loin à un élu ou à un gros électeur. Y’a que la petite jeune à l’accueil qui soit gentille. Monique, qu’elle s’appelle. Elle se met en quatre pour vous aider et elle connaît son boulot. C’est pas comme la gourgandine qui dirige le service et qui sait même pas que Besançon est dans le Doubs ! Ah, celle là, ils l’ont bien trouvée ! Une vraie poule de luxe qui ne sert qu’à filtrer le public admis à rencontrer le maire. Il est grand temps que ça change.

    — Vous pensez aux prochaines élections ?

    — Oui. Mais j’y crois pas trop. On va reprendre les mêmes pour recommencer… C’est des gens comme vous qu’il nous faudrait pour donner un bon coup de balai dans ce nid de frelons.

    — Et des gens comme vous pour bien voter, madame Gauffard.

    — Si j’ai le choix, c’est bien ce que je ferai. Mais si je suis toute seule, ça ne changera pas grand chose…

    Pour la première fois, la vieille dame ne trouvait rien à ajouter. Le sujet devait lui donner à réfléchir, car elle en avait perdu sa langue pourtant bien pendue. Un silence suivit, rapidement abrégé par Philippe.

    — Il est certain que vous seule ne pouvez tout faire, mais vous allez bien au club des Jeunes Anciens ? Pourquoi ne pas en discuter avec eux ? Ils se heurtent aux mêmes difficultés que vous, et nombre d’entre eux sont sur les listes d’attente des résidences.

    — C’est une idée… D’autant plus qu’on a un tournoi de belote coinchée la semaine prochaine et qu’on va rencontrer les vieux de la cité des Planches. Des laissés pour compte eux aussi. Je crois que ça va fermenter et faire lever la pâte. Ils seront d’accord pour voter contre, mais encore faudrait-y qu’on puisse avoir le choix ! La dernière fois, y’avait deux listes, mais ils sont copains comme cochon maintenant. Allez, dites-moi que vous vous présenterez…

    — Je vais y réfléchir, madame Gauffard, et je vous promets de vous tenir au courant de ma décision. Mais il faudrait qu’une liste se constitue et qu’on y trouve 27 noms.

    — Oh, ça, des noms, on pourra vous en proposer. Y’a quand même des gens bien à Eure. Quand ce serait que le patron du Rendez-vous. On y fait notre banquet annuel chez le Roger, et il nous traite comme des princes pour un prix très raisonnable. Il parle pas politique à cause des affaires, mais on sait ce qu’il pense ! C’est un brave type, et honnête, en plus…

    La mémé avait retrouvé son régime de croisière et le docteur n’avait plus qu’à attendre que le débit ralentisse pour mettre un terme à la visite. En attendant, il écoutait distraitement, mais la vieille ne manquait pas de jugeotte et il fut d’accord avec plusieurs des noms cités et auxquels il n’aurait pas pensé. Elle avait toujours vécu à Eure et connaissait parfaitement la ville et nombre de ses habitants. Bien que de santé incertaine, elle avait toute sa tête et savait s’en servir ! Ce serait probablement un bon agent électoral le moment venu.

     

    ***

    Thérèse entra sans frapper dans le cabinet de Philippe qui rangeait ses dossiers.

    — Elle t’a fait faire des heures sup’ la mamie. Heureusement que c’était la dernière. J’ai eu le temps de mettre la table et de préparer le repas.

    Tout en parlant, le jeune femme était passée derrière son compagnon penché sur le bureau et avait passé ses bras autour de son cou.

    — Laisse tomber ton fourbi, on a mieux a faire. Cette matinée m’a parue interminable.

    Le docteur se retourna en souriant pour répondre, mais la jeune femme lui refoula les mots dans la bouche en lui roulant une pelle magistrale. La chaise en avait profité pour faire un quart de tour et Thérèse se laissa aller sur les genoux accueillants. Quand Philippe put reprendre son souffle, il constata :

    — Dis-donc, tu n’as pas grand-chose sous ta blouse. Je comprends maintenant pourquoi le père Verchant avait 18,5 de tension ce matin !

    — Ne sois pas idiot, j’avais une robe pour le service. Mais avant de venir te rejoindre, je me suis mise à l’aise et je n’ai gardé que le minimum syndical : le soutif et le string. Tiens, lève-toi, que je te dessape.

    — On serait mieux dans la chambre, tu ne crois pas ?

    — Non ! Tu manques de fantaisie, j’ai envie de baiser ici pour changer. Sur le lit de consultation.


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