• Polar villageois

    FALLAIT PAS POUSSER GRAMMAIRE  DANS LES ORTIES

    Chapitre 1

    Abri d’abattu.

     

     Albert commençait à trouver le temps long. Non pas que sa position ait été inconfortable. Installé à l’abri, dans une ouverture du thus, il n’avait pas à transpirer sous le soleil comme ses compagnons de chasse qui cherchaient à rebattre vers lui le chevreuil traqué depuis plusieurs heures. Mais il s’ennuyait ferme. Au début, il avait scruté les lieux avec attention, essayant de deviner par où l’animal allait bien pouvoir débouler. Il n’y avait que deux passages possibles et de son poste, il pouvait les contrôler sans difficulté. Il avait soigneusement choisi son emplacement pour que son tir ne fasse courir aucun risque à ses amis. Excellent tireur, probablement le meilleur, il avait été choisi pour ne laisser aucune chance au gibier.

    Avec le temps, l’excitation était tombée, mais pas la soif, et la gourde de Coteaux du Lyonnais commençait à sonner creux. Il tenait bien le vin, et ne se faisait pas de souci pour la sûreté de son tir. Il replia sommairement le journal qu’il avait parcouru en diagonale. A part la page des sports et les nouvelles locales, il ne lisait pas grand chose, sauf les gros titres. Les mots croisés n’étaient pas son fort, et le papier imprimé n’était plus bon qu’a servir d’emballage à l’occasion.

    Confortablement assis sur son pliant, il écoutait la rumeur du sous-bois, cherchant à percevoir les prémices d’une traque en mouvement, mais seul le murmure du vent dans les ramures et le grésillement des insectes empêchaient le silence de s’installer.

    Son attention fut soudain mise en éveil par une impression de mouvement en contrebas. Un déplacement fugitif à la limite de son champ de vision, qu’il n’avait pu identifier. Mais son instinct de chasseur ne pouvait le tromper. Quelque chose s’était tapi derrière le gros rocher, là-bas sous le chêne. Mais quoi ? Il ne voyait pas quel animal pouvait resté caché, alors que la plupart prenaient la fuite lorsqu’ils étaient inquiétés par des effluves suspectes. Pas question d’aller voir de près, le chevreuil pouvait s’annoncer d’un instant à l’autre.

    Perplexe, Albert gardait l’œil fixé sur son point d’interrogation, sans que plus rien ne se passe. Puis des abois lointains qui se rapprochaient le rappelèrent a ses devoirs. Ça allait être à lui de jouer, et il ne pouvait pas se permettre de compromettre sa réputation. Il oublia l’incident et se mit en position, le fusil calé sur sa fourche, le cran de sûreté enlevé.

    La rumeur se fit de plus en plus présente, et dans un fracas de branches brisées, surgit le chevreuil en pleine course. Albert suivit de son fusil la trajectoire souple et majestueuse de l’animal. Un coup de feu claqua, provoquant un sursaut du chevreuil qui continua sa course affolée, tandis qu’Albert s’effondrait dans les éboulis, un trou rouge entre les deux yeux.

     

     

  • Chapitre quatre

    Samedi 22 septembre

     

    — Ne vous inquiétez pas, madame Gauffard, vos petits ennuis vont progressivement s’atténuer si vous suivez scrupuleusement mon ordonnance.

    — Ah ! docteur… qu’est-ce que je deviendrai sans vous ? Ça fait des années que vous me suivez, et je n’ai eu qu’à me louer de vos services. Mais je suis guère vaillante et toujours patraque. Et avec l’âge, ça s’arrange pas… vous savez que je vais sur mes quatre-vingt cinq. Enfin, y’a plus malheureux. Voyez-vous, madame Pichet, ma concierge… une brave femme comme on en fait plus, toujours à briquer les escaliers ou balayer le trottoir, toujours prête à rendre service… Eh bien, son arthrose lui fait des misères et le syndic voudrait la voir décamper pour récupérer sa loge. Elle va être à la retraite d’office l’année prochaine et probablement expulsée. Elle vient de faire une demande pour avoir une place dans la résidence municipale de la Hêtraie. Mais y sont tous pourris à la mairie et sans piston, elle a pas beaucoup de chance…

    Le docteur qui écoutait d’une oreille distraite l’interminable monologue qui concluait depuis longtemps les consultations tressaillit à la dernière phrase. Comme la vieille reprenait son souffle pour la seconde déferlante de ses confessions, il se glissa dans la faille.

    — Qu’est-ce qui vous fait dire ça, madame Gauffard ?

    — Mais il suffit d’ouvrir l’œil ! Allez dons y faire un tour. Si vous avez besoin de quelque chose, vous serez vite servi. Pour en revenir à la résidence, il suffit de voir liste des pensionnaires : tous apparentés de près ou de loin à un élu ou à un gros électeur. Y’a que la petite jeune à l’accueil qui soit gentille. Monique, qu’elle s’appelle. Elle se met en quatre pour vous aider et elle connaît son boulot. C’est pas comme la gourgandine qui dirige le service et qui sait même pas que Besançon est dans le Doubs ! Ah, celle là, ils l’ont bien trouvée ! Une vraie poule de luxe qui ne sert qu’à filtrer le public admis à rencontrer le maire. Il est grand temps que ça change.

    — Vous pensez aux prochaines élections ?

    — Oui. Mais j’y crois pas trop. On va reprendre les mêmes pour recommencer… C’est des gens comme vous qu’il nous faudrait pour donner un bon coup de balai dans ce nid de frelons.

    — Et des gens comme vous pour bien voter, madame Gauffard.

    — Si j’ai le choix, c’est bien ce que je ferai. Mais si je suis toute seule, ça ne changera pas grand chose…

    Pour la première fois, la vieille dame ne trouvait rien à ajouter. Le sujet devait lui donner à réfléchir, car elle en avait perdu sa langue pourtant bien pendue. Un silence suivit, rapidement abrégé par Philippe.

    — Il est certain que vous seule ne pouvez tout faire, mais vous allez bien au club des Jeunes Anciens ? Pourquoi ne pas en discuter avec eux ? Ils se heurtent aux mêmes difficultés que vous, et nombre d’entre eux sont sur les listes d’attente des résidences.

    — C’est une idée… D’autant plus qu’on a un tournoi de belote coinchée la semaine prochaine et qu’on va rencontrer les vieux de la cité des Planches. Des laissés pour compte eux aussi. Je crois que ça va fermenter et faire lever la pâte. Ils seront d’accord pour voter contre, mais encore faudrait-y qu’on puisse avoir le choix ! La dernière fois, y’avait deux listes, mais ils sont copains comme cochon maintenant. Allez, dites-moi que vous vous présenterez…

    — Je vais y réfléchir, madame Gauffard, et je vous promets de vous tenir au courant de ma décision. Mais il faudrait qu’une liste se constitue et qu’on y trouve 27 noms.

    — Oh, ça, des noms, on pourra vous en proposer. Y’a quand même des gens bien à Eure. Quand ce serait que le patron du Rendez-vous. On y fait notre banquet annuel chez le Roger, et il nous traite comme des princes pour un prix très raisonnable. Il parle pas politique à cause des affaires, mais on sait ce qu’il pense ! C’est un brave type, et honnête, en plus…

    La mémé avait retrouvé son régime de croisière et le docteur n’avait plus qu’à attendre que le débit ralentisse pour mettre un terme à la visite. En attendant, il écoutait distraitement, mais la vieille ne manquait pas de jugeotte et il fut d’accord avec plusieurs des noms cités et auxquels il n’aurait pas pensé. Elle avait toujours vécu à Eure et connaissait parfaitement la ville et nombre de ses habitants. Bien que de santé incertaine, elle avait toute sa tête et savait s’en servir ! Ce serait probablement un bon agent électoral le moment venu.

     

    ***

    Thérèse entra sans frapper dans le cabinet de Philippe qui rangeait ses dossiers.

    — Elle t’a fait faire des heures sup’ la mamie. Heureusement que c’était la dernière. J’ai eu le temps de mettre la table et de préparer le repas.

    Tout en parlant, le jeune femme était passée derrière son compagnon penché sur le bureau et avait passé ses bras autour de son cou.

    — Laisse tomber ton fourbi, on a mieux a faire. Cette matinée m’a parue interminable.

    Le docteur se retourna en souriant pour répondre, mais la jeune femme lui refoula les mots dans la bouche en lui roulant une pelle magistrale. La chaise en avait profité pour faire un quart de tour et Thérèse se laissa aller sur les genoux accueillants. Quand Philippe put reprendre son souffle, il constata :

    — Dis-donc, tu n’as pas grand-chose sous ta blouse. Je comprends maintenant pourquoi le père Verchant avait 18,5 de tension ce matin !

    — Ne sois pas idiot, j’avais une robe pour le service. Mais avant de venir te rejoindre, je me suis mise à l’aise et je n’ai gardé que le minimum syndical : le soutif et le string. Tiens, lève-toi, que je te dessape.

    — On serait mieux dans la chambre, tu ne crois pas ?

    — Non ! Tu manques de fantaisie, j’ai envie de baiser ici pour changer. Sur le lit de consultation.


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    OVER FLO

    Chapitre 2

    Samedi 2 novembre 1996

    — Allô ? Monsieur Gustave Dumont ? 

    — Oui. Qu’est-ce que c’est ?

    — Je suis Florentine Dumont, votre petite fille, et …

    — Connais pas !

    Clac! La coupure brutale fit sursauter la jeune femme. Elle resta un moment sans réaction, puis laissa échapper le combiné qui tomba sur la table. Elle avait mis tant d’espoirs dans cet appel qu’elle se trouvait anéantie. Louise avait raison, le grand-père ne valait pas grand-chose. Elle eut un sourire amer et songea: " Louise... je n’ai jamais pu dire maman en pensant à elle. Si elle s’était comportée en vraie mère, je n’en serais pas là! "

    Novembre n’était pas la saison de l’espoir et la grise lumière qui coulait dans la petite cuisine aux souvenirs rances de repas bâclés n’avait rien de réconfortant. La pluie installée depuis trois jours s’obstinait dans son clapotis lancinant, dépolissant les carreaux pour cacher le monde extérieur. Mais qui du monde extérieur pouvait bien se soucier de Florentine ?

    Elle regardait l’alignement de tube et de fioles qu’elle avait posé sur la table. Les laboratoires avaient une certaine poésie dans le choix des noms… Pour vendre des tranquillisants, il fallait d’abord rassurer les futurs cobayes.

    Le téléphone répétait sans impatience son bip-bip de ligne en attente… Le murmure de l’absence. Elle raccrocha machinalement pour faire cesser cette perturbation dans sa vacation de réflexion. Penser à quoi ? À sa résolution d’en finir une fois pour toutes ? S’endormir et ne plus se réveiller… Ne plus reprendre conscience de son inadaptation à ce monde, à sa souffrance sans espoir. Pourquoi y songer encore, puisqu’il n’y avait plus d’autre solution ? Tous ses appels au secours n’avaient éveillé aucun écho. Surtout auprès de Marianne, la confidente de toujours, l’éternelle optimiste qui faisait croire en la vie. La séductrice à qui aucun homme ne restait insensible, la sœur de cœur. Elle avait disparu sans avertissement, sans un mot d’explication depuis cinq mois. Ce n’était pas la première fois qu’elle lâchait tout pour tenter une nouvelle expérience ou vivre une aventure sentimentale, mais d’habitude, elle en faisait part à son amie. Mais là, pas la moindre carte, pas le moindre signe de vie. Son répondeur arrivé en fin de bande ne prenait plus de message, et sa boîte aux lettres aurait débordé si Florentine n’avait pas de temps en temps monté le courrier qui ne suivait pas jusqu’à l’appartement désert. Nul ne savait ce qu’elle était devenue.

    Il n’était resté que ce grand-père énigmatique dont elle avait pu retrouver la trace à la suite d’une recherche obstinée qui avait fini d’épuiser ses dernières ressources. Si seulement il avait accepté de lui parler, de l’écouter…

    Libarum, Phénidol, Ronidal… Une douzaine de nom sans signification, sinon qu’à dose massive ils pouvaient apporter le calme définitif. Le verre de rhum du condamné… La dissolution des capsules dans le whisky bas de gamme du supermarché n’avait rien de réjouissant. La couleur suspecte, l’odeur écœurante, l’aspect visqueux du mélange faisaient de leur mieux pour décourager la malheureuse, mais elle avait passé le point de non-retour et ce n’était pas ce dernier désagrément qui pouvait la retenir. Elle se décida enfin et prit le verre.

    La sonnerie du téléphone la fit sursauter au moment où ses lèvres allaient toucher le cocktail final. Une seconde d’hésitation… Nouvelle sonnerie… Brusquement le souvenir d’une histoire idiote lui revint en mémoire et lui arracha un sourire amer. Celle du type qui est l’unique survivant d’une guerre atomique, et qui par désespoir de solitude décide, lui aussi d’en finir. Il se jette du haut d’un immeuble de quarante étage, mais en passant devant une fenêtre ouverte, il s’écrie " Zut ! Trop tard ! ". Il venait d’entendre sonner un téléphone.

    Et si c’était le signe ? La voix du destin qui lui demandait de réfléchir à son geste ? Si c’était Marianne ? Ou Albert, le nouveau collègue du labo qui se décidait enfin à répondre à ses timides avances ?… Quatrième sonnerie… Généralement les gens décrochent entre trois et quatre, ceux qui appellent se lassent après six ou sept… Encore deux coups et il sera trop tard pour savoir...

    — Allo ? Florentine Dumont, j’écoute…

    Toujours ce réflexe ridicule de se présenter comme à son travail. Il lui avait fallu un gros effort pour s’adapter à cette exigence de son chef de service, et elle ne pouvait plus s’en défaire. Une voix inconnue la surprit :

    — Ce serait pour un rendez-vous, pour demain matin…

    — Mais qui demandez-vous ?

    — Vous êtes bien le salon de coiffure NewTiff ?

    — Non, madame, vous avez fait un mauvais numéro...

    Raccroché sans un mot d’excuse. Ce ne sont pas des gens comme ça qui lui feront regretter de quitter la vie. Dans un geste rageur, Florentine claqua le combiné, mais le fil balayant la table fit tomber le gobelet sur le carrelage.

    — Merde !

    Décidément, le sort s’acharnait pour contrarier sa décision. Le liquide gluant avait retenu les éclats de verres et la flaque prenait des reflets scintillants. Impossible de récupérer ce mélange pour le consommer... Mais il restait suffisamment de saloperie en capsules pour refaire une tournée. Après quelques instants sans réaction, la jeune femme se surprit en train de nettoyer le sol. Elle l’avait fait machinalement, comme si cela avait encore de l’importance. Laisser propre derrière elle...

    De nouveau les pilules décortiquées dans une flûte à champagne cette fois, puis le whisky. Attendre que la dissolution se fasse. Juste un petit contretemps. Mais aussi un nouveau cheminement de la pensée. Elle n’avait pu parler à personne et soudain elle eut envie de raconter ses raisons d’en finir. Laisser un mot qui expliquerait son départ, réglerait quelques comptes avec les indifférents de son entourage, oserait dire enfin ce qu'elle avait toujours tu par crainte de ce que l’on pourrait penser d’elle. Mais à qui ?

    Sûrement pas à Louise. Elle qui n’avait jamais rien compris à sa fille, même la mort de son enfant ne lui ouvrirait pas l’esprit. Avec sa bigoterie, elle ne pourrait admettre ce suicide et ne chercherait pas à en saisir les motivations profondes.

    Marianne ? Ce serait lui donner des remords de ne pas avoir été là et c’était bien la dernière personne à qui elle voudrait faire de la peine. Et quand elle trouverait la lettre il se serait peut-être écoulé des mois, puisque son retour restait totalement imprévisible. Elle sentait aussi confusément que si elle s’adressait à son amie, l’évocation de leurs souvenirs communs finirait peut-être par ébranler sa détermination. Une vaine espérance qui finirait par une nouvelle déprime...

    Pourquoi pas Gustave, ce vieux schnock qui n’avait même pas voulu l’écouter ? S’il pouvait éprouver quelque trouble de conscience à la lecture de sa confession, ce ne serait que justice. Aucune raison de le ménager. Elle ne savait rien de lui et pouvait se permettre de tout lui dire, sans chercher à imaginer sa réaction d’une manière quelconque. Si c’était le vrai salaud, égoïste et sauvage qu’on lui avait toujours raconté, il mettrait la lettre au panier après l’avoir vaguement parcourue. Mais s’il lui restait une trace d’humanité, il serait bien obligé de se poser des questions. Et d’en poser à l’entourage de Florentine. Belles scènes en perspective. Cette idée lui parut plaisante et la décida. Elle jeta un vague coup d’oeil au verre qui l’attendait, puis elle alluma son ordinateur et se mit à taper.

    Les doigts de Florentine crépitaient sur le clavier, à une vitesse prodigieuse, grâce à une méthode que lui avait enseigné Cédric. Elle pouvait suivre le fil de sa pensée et l’introduire dans la machine par un simple automatisme. Sans s’en rendre compte, elle disait tout ce qu’elle n’avait jamais confié à personne, pas même à Marianne…

     

    Le carillon du clocher voisin aligna avec une lente obstination les douze coups de minuit. Florentine sursauta. Déjà si tard ! La nuit était tombée depuis longtemps et l’écran de la machine ouvrait sa lucarne de lumière dans la pièce obscure. Elle avait écrit sans réfléchir, portée par le flot de ses souvenirs. Le compteur du logiciel indiquait 8 pages. Jamais Gustave n’irait si loin dans sa lecture ! Elle aurait pu taper toute la nuit, mais elle se rendait compte que c’était inutile. À quoi bon finalement vouloir expliquer des raisons que personne n’avait jamais comprises ? Son dernier horoscope souligné au feutre rouge dans Femme Actuelle disait "  Vos amis vous adorent et vous rendent au centuple ce qu’ils vous doivent. Il y a des projets de fête dans l’air, arrangez-vous pour être disponible ". Où étaient ces amis ? Quelle fête pouvait bien se préparer ? Sans doute son enterrement.

    Il fallait en finir. Elle conclut brièvement et lança l’impression de son texte ; puis mit les feuillets dans une grande enveloppe qui devait dépasser le poids d’une simple lettre. À tout hasard, elle y colla les trois derniers timbres qui lui restaient et se prépara à sortir pour aller jusqu’à la boîte du coin de la rue.

    Dix minutes plus tard, elle était de retour. Elle posa machinalement son manteau luisant de fines gouttelettes sur un cintre, puis elle revint vers la table où le poison attendait. Une dernière hésitation... Fermant les yeux, elle se força à avaler d’un trait la mixture. La brûlure de l’alcool ne pouvait masquer le goût écoeurant du mélange et pour l’effacer, elle remplit de nouveau la flûte de whisky. Quelques secondes plus tard, elle se laissait tomber sur le canapé et attendit l’effet de la drogue.

    * *

    Une vague gigantesque entraînait Florentine vers son dernier voyage. Elle se sentait apaisée et flottait délicieusement dans un lent tourbillon où mouraient le bruit et la lumière. Son esprit engourdi ne cherchait plus à se raccrocher à la moindre pensée quand soudain un son obstiné la tira de sa mortelle torpeur. Le téléphone. Encore lui... mais trop tard cette fois.

    La main qui glissait lentement vers le poste semblait peser un poids monstrueux. Pourquoi ce dernier effort inutile ? Florentine se sentait incapable de prononcer le moindre mot. Elle ne réussit qu’à faire tomber le combiné et la sonnerie cessa. Une voix lointaine lançait des interrogations trop floues pour être intelligibles. Mais cette voix... Elle la reconnaissait. C’était...

    La vague noire l’engloutit définitivement dans un trou sans fond.


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